[EDITO] Pourquoi Rockstar délaisse ses autres franchises ?
Aujourd’hui quand on pense à Rockstar Games, on pense forcément à ses deux licences phares : Grand Theft Auto et Red Dead Redemption. Devenus de véritables phénomènes culturels, ces deux saga ont en grande partie contribué au statut de studio star (clin d’oeil) que se coltine la firme étoilée. Pour autant, Rockstar s’est également bâti une réputation sur ses autres licences, pêle-mêle : Bully, Midnight Club, The Warriors, Beaterator, Manhunt, Max Payne… Alors avec autant de licences dans sa besace, ma question est simple : Pourquoi Rockstar Games les a toutes délaissées et en quoi est-ce un problème ? Est-ce qu’on peut espérer un jour les voir revenir sur le devant de la scène ?
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First and Foremost…
Avant de commencer, il est important de préciser que le présent édito est le fruit de la réflexion de son auteur François (donc moi), et qu’il ne reflète pas forcément l’avis de l’ensemble de la rédaction et du staff de Rockstar Mag’. J’utiliserai bien évidemment des informations vérifiées, mais les analyses et les interprétations que j’en extirperai ne seront peut-être pas partagées par mes confrères de Rockstar Mag’.
Le Rockstar Games touche-à-tout
Quand je pense au Rockstar des années 2000, je pense bien évidemment à GTA San Andreas et GTA 4, mais pas que. L’argent et le succès coulaient à flot pour le studio à partir de GTA 3, et même si Bully sorti en 2006 pouvait se résumer à un « GTA à l’école », l’entreprise se permettait à l’époque des expérimentations dans d’autres styles tels que le jeu d’action à la troisième personne avec Manhunt, le jeu de course avec la série des Midnight Club et même le jeu musical avec Beaterator.
Bien sûr, GTA restait la série phare de Rockstar, mais ces incursions régulières dans d’autres genres permettaient tout d’abord une diversité de propositions très appréciable de la part du studio. En effet, j’ai toujours aimé découvrir un jeu Rockstar autre qu’un GTA. Par exemple, Midnight Club 3 Dub Edition sur PSP a été une vraie claque pour moi et nul doute que Manhunt en aura marqué plus d’un.
Mais au delà de cela, développer des jeux différents d’un GTA permettait au studio de prendre du galon dans des domaines variés. Les Midnight Club ont probablement permis à Rockstar Games de se faire la main sur la maniabilité des véhicules, sur la conduite et donc de proposer des sensations au volant toujours plus réalistes et/ou funs. Et bien que Max Payne 3 sorti en 2012 soit répétitif dans sa structure, le coeur de son gameplay (à savoir les gunfights) était exceptionnel et bien mieux fichu que bon nombre de shooters à la troisième personne de l’époque (voire encore aujourd’hui).
Donc voilà, je trouve que Rockstar Games entre 2001 et 2012, c’était suffisamment varié pour notre plus grand bonheur. Mais du coup : où est passée cette diversité ?
Le point de bascule pour Rockstar Games
En vérité, il existe de nombreuses raisons qui peuvent expliquer ce focus de Rockstar Games pour GTA et Red Dead, ses deux licences les plus iconiques. Passons-les en revue ensemble.
Des temps de développement toujours plus longs
La création d’un jeu vidéo, ça prend du temps. BEAUCOUP de temps, avec les nouvelles consoles, les nouvelles technologies ainsi que les mises à jour régulières de leur moteur maison RAGE. Ajoutez à cela le soucis du détail presque maniaque de Rockstar (et plus particulièrement des frères Houser, les deux visages de la firme), et vous obtenez un studio qui veut et aime prendre son temps pour peaufiner ses bébés avant de les dévoiler au public.
Nous avons ainsi des jeux espacés de nombreuses années entre chaque sortie : cinq ans séparent GTA V de Red Dead Redemption 2, et sept ans sépareront certainement ce dernier de GTA 6, rendez-vous compte. À ce rythme, cela fait presque un jeu par décennie, ce qui est totalement délirant. Donc rien que pour cela, sortir plusieurs jeux différents en un court laps de temps peut être compliqué pour le studio.
Une prise de risque moindre
Qui dit temps de développement rallongés dit risques plus élevés. Si votre jeu « floppe » alors que vous y avez passé cinq années, ça peut faire mal dans le fondement (passez-moi l’expression). L’on peut également y ajouter les coûts de développement toujours plus démesurés du studio, même si les frères Houser vous diront probablement que c’est là le prix pour atteindre l’excellence.
Ainsi, avec les plusieurs années de développement dont bénéficie la firme étoilée pour chaque jeu et le tout entraînant des coûts faramineux, Rockstar (peut-être aussi appuyé par sa maison mère Take Two) privilégiera logiquement ses licences les plus lucratives plutôt que de nouvelles IP ou ses licences secondaires qui risqueraient de mettre le studio sur la paille en cas de bide.
Rockstar Games a changé et s’est restructuré
Enfin, le Rockstar que nous connaissions dans les années 2000-2012 n’existe plus. Courant de la décennie 2010, Take-Two a opéré de grands changements pour la firme. À la base, plusieurs studios floqués du R étoilé étaient dispatchés à travers le monde et s’occupaient de jeux différents, chacun de leur côté. Dorénavant, les studios ont tous plus ou moins fusionnés sous une bannière commune et se partagent les ressources et le travail sur un seul et même jeu pour plus d’efficacité. En résulte donc un délaissement de projets annexes entre deux GTA ou Red Dead.
On sait aussi que Dan Houser a quitté le navire en Mars 2020, sans plus de détails. De plus, les nombreuses histoires qui circulaient concernant l’ambiance de travail horrible dans les studios de la firme avaient quelque peu secoué les choses. Entre crunch intensifs, collègues de bureau problématiques et autres joyeusetés, Take Two a donc décidé en 2018 environ de resserrer les boulons, faire du ménage parmi les employés et leurs proposer des horaires décentes.
Toutes ces centralisations des ressources ainsi que ces changements internes ont donc eux aussi impacté et fortement ralenti la production des jeux Rockstar ces dernières années. Il semble qu’aujourd’hui, Rockstar Games soit devenu un studio modèle où il fait plutôt bon travailler, et c’est tout ce qu’on peut souhaiter aux employés.
Toutes ces raisons expliquent assez logiquement pourquoi Rockstar ne sort que des GTA et Red Dead en ce moment. Néanmoins, découle de tout ce mic-mac une autre inquiétude de ma part.
Pourquoi à mon sens Rockstar commence à stagner et à lasser ?
Dans l’industrie vidéoludique, ne pas sortir de jeux pendant cinq ans représente une éternité. Même si on peut saluer la démarche de prendre son temps pour que chaque jeu soit peaufiné, je pense que cela amène un autre souci : Rockstar se replie sur lui même et risque la lassitude des joueurs et la stagnation. Pas dans la création de mondes ouverts riches et fourmillants de vie, non. Là dessus, ils restent les maîtres incontestés du game. Non je parle du reste.
Les limites de la formule Rockstar
Prenons Red Dead Redemption 2 en exemple, car je trouve que ce jeu cristallise beaucoup les limites des ambitions narratives de Rockstar Games dans une formule en monde ouvert.
Avec RDR 2, le studio est déchiré entre l’envie de nous faire vivre l’Ouest américain de la manière la plus immersive et libre possible, et l’envie de nous raconter une histoire. Ces deux façons d’aborder le jeu se mélangent tant bien que mal, sans totalement parvenir à s’homogénéiser.
On se retrouve tantôt lâchés dans un monde ouvert dense d’une immense qualité, tantôt pris par la main, voire enchaînés, par un Rockstar qui veut que nous suivions scrupuleusement son scénario. Ce dernier est incroyablement bien écrit, aucun doute là dessus. Mais dans l’exécution, les missions sont laborieuses à suivre et déconcertantes tant nos façons de les aborder sont limitées.
Certaines missions peuvent carrément finir en eau de boudin de manière totalement abrupte parce qu’on s’est éloigné de trois mètres, ou parce qu’on a malencontreusement bousculé un PNJ.
Comme je le disais plus haut, la firme étoilée s’autorisait autrefois des expérimentations en lorgnant vers d’autres genres. Ils ont même sorti un jeu de tennis de table en 2006 sobrement intitulé Table Tennis afin de se faire la main sur leur nouveau moteur RAGE. Sortir des jeux différents de GTA ou Red Dead permettrait à nouveau de tenter des choses, de rester à la pointe et peut-être trouver des genres (comme le Third Person Shooter) qui colleraient mieux à la structure de missions façon Red Dead 2. Car en l’état, je trouve que Rockstar Games peine à trouver l’équilibre entre raconter une histoire via une structure balisée et liberté totale.
Des modes en ligne pour renflouer les caisses
Les modes en ligne de GTA V et Red Dead Redemption 2 sont une bonne idée à la base. Parcourir ces mondes ouverts à plusieurs avec ses amis, c’est tout ce dont peut rêver un fan de GTA ou de l’Ouest américain.
Néanmoins, à n’exploiter que ces deux franchises, couplé au fait que chaque jeu mette au moins cinq ans à sortir aujourd’hui, on sent que c’est la rentabilité qui dicte ces modes plus qu’autre chose. Red Dead Online est d’ailleurs plus à l’abandon qu’une ville minière au fin fond du Missouri, Rockstar s’étant rendu compte qu’il n’était pas rentable de l’entretenir plus que cela.
C’est là un autre effet néfaste de la seule exploitation de ces deux licences : on y injecte un max de pognon car l’enjeu est énorme, puis on les essore jusqu’à la moelle avec un mode en ligne qu’on n’hésitera pas à abandonner très vite s’il n’est pas assez rentable (même si là pour le coup, pratiquement tous les studios font ça).
Vous reprendrez bien un peu de remaster avec votre remaster ?
C’est aujourd’hui devenu un running gag entre les joueurs : Rockstar abuse avec ses rééditions et ses remasters. Qui a dit que GTA 5 avait besoin de faire « peau neuve » ? Personne ? Eh bien la firme vous propose malgré tout un GTA 5 « next-gen » dit Expanded and Enhanced totalement paresseux. En faire une mise à jour gratuite vous dites ? Non non, les joueurs devront payer.
Sans parler de la GTA Trilogy sortie dans un état plus que limite en 2021 avant de se prendre un retour de flamme et de revenir dans une version mobile plus aboutie développée par Netflix. Le remaster du premier Red Dead Redemption a quant à lui subi un bien meilleur traitement et est sorti dans un état impeccable sur toutes les plateformes en 2023, bien que certains lui reprochent d’être trop sage (notre rédacteur Nicolas a d’ailleurs consacré un édito à ce sujet).
Quoi qu’il en soit, le résultat reste le même : tous les studios Rockstar concentrent leurs efforts sur le prochain jeu, en l’occurence GTA 6 à l’heure actuelle, et délèguent leurs remasters à des studios externes sans forcément prendre la peine d’en vérifier la qualité (la GTA Trilogy de 2021 en atteste). Ou bien ils pondent une réédition paresseuse (coucou GTA 5 sur PS5 et Xbox Series). De quoi bien faire soupirer les joueurs.
Tout n’est pas forcément perdu
J’ai été pessimiste dans la précédente partie de mon argumentaire à rallonge, mais c’est parce qu’au fond, j’adore les jeux Rockstar Games. Alors pour contrebalancer, j’aimerai apporter un peu de positivité.
Tout d’abord, il n’est pas dit qu’on ne reverra plus jamais d’autres licences Rockstar Games. On le sait, un remake des deux premiers Max Payne a été annoncé. Le studio Remedy s’occupe du développement et la firme étoilée finance le projet, ce qui laisse présager un remake de bonne facture (du moins espérons-le). Et qui sait, peut-être que d’autres remakes suivront la voie ? Personnellement, je prie pour un vrai remake en bonne et due forme de Bully et GTA 4, et pas un remaster qui se contente du minimum syndical.
Enfin, bien que les restructurations des studios ont fortement chamboulé les priorités de sortie des jeux Rockstar Games ces dernières années, il est possible qu’à l’avenir la firme se remette à bosser sur d’autres projets en dehors de ses deux franchises principales, maintenant que la tempête est passée. Nous n’avons aucune information concrète à ce sujet pour le moment, mais gardons espoir. Peut-être assisterons-nous dans les années à venir à un Rockstar Games transformé, résultat de toutes ces années de changements internes ?Je suis trop optimiste peut-être… mais je veux y croire.
Voilà qui clôt cet édito, merci de l’avoir lu. Ce n’était que mon avis sur l’état actuel de Rockstar Games, donc n’hésitez pas à nous dire (dans le respect) si vous êtes d’accord ou pas avec ce papier, l’équipe de Rockstar Mag’ vous lira avec plaisir. Retrouvez nous le mois prochain pour un nouvel édito.
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