Rockstar Games | La situation s’aggrave concernant les syndicats, le gouvernement britannique évoque l’affaire

La situation s’obscurcit autour de Rockstar Games et du conflit qui oppose la firme étoilée à ses propres employés. Le syndicat de l’IWGB dépose plainte contre la direction de Rockstar et l’affaire commence à prendre une ampleur nationale, au point où le gouvernement britannique vient d’évoquer l’affaire. 

Depuis quelques jours, la situation devient chaotique autour du développement de Grand Theft Auto VI. Pas un seul jour ne passe sans que nous apprenions de mauvaises choses autour de Rockstar, mais également autour de Take Two Interactive.

Depuis l’annonce de l’arrêt du télétravail en mars 2024, la situation est tendue entre Rockstar Games et ses employés. C’est à partir de ce moment-là que l’IWGB (Independent Workers’ Union of Great Britain) a pris contact avec de nombreux employés de la firme étoilée pour les soutenir et les accompagner afin de faire de Rockstar, une entreprise plus saine et plus agréable au niveau de la communication et des conditions de travail. Hélas, la situation n’avance pas dans le bon sens. 

Logos Rockstar, GTA 6, Take Two

Historique des faits récents autour de Rockstar Games

  • 29 février 2024 : Rockstar Games annonce la fin du télé-travail et le début de la phase finale du développement de GTA 6 (lire l’article)
  • 2 mars 2024 : L’IWGB apporte son soutien aux salariés de Rockstar (lire l’article)
  • 23 mars 2024 : De nouveaux témoignages anonymes confirment des soucis de communications chez Rockstar (lire l’article)
  • 3 novembre 2025 : Rockstar licencie une quarantaine d’employés pour «faute grave» (lire l’article)
  • 6 novembre 2025 : Première journée de mobilisation organisée par l’IWGB
  • 7 novembre 2025 : La situation se dégrade, Rockstar dément les accusations de l’IWGB, un témoignage anonyme confirme l’ambiance chaotique (lire l’article)
  • 8 novembre 2025 : Des vétérans de Rockstar London quittent l’entreprise (lire l’article)
  • 10 novembre 2025 : Strauss Zelnick, le PDG de Take Two Interactive, visé par une plainte pour harcèlement sexuel, fraude et licenciement abusif (lire l’article)

Autant dire que la période est très délicate. Et ces derniers jours n’ont pas aidé à apaiser les tensions. De nombreux employés de Rockstar ont pu s’exprimer, anonymement, l’IWGB a déposé plainte, et le gouvernement britannique a commencé à se pencher sur la situation. Retour sur une semaine tendue.

Les employés licenciés s’expriment

Il y a quelques jours, le 11 novembre dernier, une partie des employés qui ont été licenciés pour « faute grave » prenaient la parole. C’est sur le média britannique People Make Games que nous avons pu découvrir une vidéo qui faisait le point sur la situation actuelle autour du développement de GTA 6.

Après avoir reçu un mail de l’IWGB, l’animateur de la chaîne, Chris Bratt, s’est rendu devant les locaux de Rockstar North, en Écosse, pour participer à la journée de manifestation du 6 novembre 2025. C’est à cette occasion qu’il a pu s’entretenir avec des employés qui ont perdu leur emploi.

Dans la vidéo, nous pouvons découvrir le discours de Rachel qui a rejoint Rockstar Games en tant que junior en 2016 et qui aura passé neuf ans chez la firme étoilée. Cette dernière a pris la parole, au mégaphone devant les locaux de Rockstar North pour expliquer son histoire : 

« J’ai été embauchée en tant que junior en 2016. Et depuis neuf ans, je n’aurais pas pu espérer un meilleur groupe de collègues, mentors, et plus important que tout : d’amis. Je suis passé du statut de diplômé à celui de senior. Tous les jours, je vivais et je respirais Rockstar Games, des technologies de Rockstar et de la communauté de Rockstar. Ils sont devenus une partie de moi, et moi, une partie d’eux. Jeudi, j’ai été licencié sans préavis, sans procédure et sans représentation. J’avais l’impression qu’on m’avait arraché une partie de moi. Je n’ai même pas eu le droit de dire au revoir. J’étais complètement sous le choc. Choquée par le fait que cette compagnie à laquelle j’avais donnée tant de mon labeur, de ma passion, de ma créativité, de mes soins, de moi-même, veuille me mettre à la porte de manière aussi aggréssive ».

Par la suite, Chris Bratt a pu s’entretenir avec Rachel pour lui demander pourquoi il était important pour elle d’être présente aujourd’hui : 

« Tous les jours depuis que nous avons été virés la semaine dernière, que ce soit moi ou beaucoup de mes collègues, et beaucoup de membres de l’entreprise sont sortis ici à l’heure du déjeuner, ont eu des conversations, ont essayé de raconter des histoires en dehors du cadre habituel et de sensibiliser les gens à ce qui se passe. Et, aujourd’hui, c’est le grand jour pour cela, où nous essayons en quelque sorte de montrer qu’il existe un soutien du conseil d’administration, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise. C’est en sorte un grand jour pour faire cela et les pousser à réfléchir à ce qu’ils nous ont fait ».

Tout au long de la journée, les employés et les manifestants brandissaient des pancartes et criaient le slogan de Rockstar : « Say Sorry, Be Nice » (Présentez vos excuses, soyez gentil). Rachel explique l’importance de cela :

« Say Sorry, Be Nice est une sorte de slogan pour Rockstar depuis de très très nombreuses années. Mais il ne semble pas, du moins dans ce cas précis, que l’entreprise soit intéressée à respecter ce principe ».

Au cours de la vidéo, une autre employée de Rockstar, Bran, qui a passé trois ans chez Rockstar North s’est également exprimée lors d’un discours, pour montrer son soutien et celui des autres membres à leurs collègues encore en place :

« Mes amis sont dans ce bâtiments, juste ici. Et celui là-bas [les locaux de North sont divisés en plusieurs bâtiments]. Mais ils ont peur. Ils ont peur pour leurs emplois, ils ont peur de s’exprimer, et je ne peux pas les blâmer pour cela. Moi, non. Et visiblement, aucun de vous non plus ».

Tout comme Rachel, Bran a répondu aux questions de Chris Bratt. L’animateur lui a demandé si, selon elle, ces licenciements concernent l’envie de se syndicaliser.

« Il est assez difficile de ne pas y voir un lien, quand on voit que tous les employés britanniques qui ont été licenciés, faisaient partis du syndicat. Je pense avoir également exprimé clairement ma position. Donc, je ne suis pas surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’une chose pareille se produise, compte tenu de la forte protection syndicale au Royaume-Uni. Mais je suppose qu’au fond, je ne suis pas surprise ».

Au cours de l’échange, Bran a parlé de son cas personnel et de ce que ce licenciement va avoir comme répercussion pour elle :

« Si une faute grave figure sur mon CV, pour le restant de mes jours, cela nuira considérablement à mes perspectives de carrière. Il est également important de noter la honte que l’on ressent en étant licencié de cette manière. Nous voulons tous rester. Nous voulons notre travail, nous voulons terminer ce sur quoi nous travaillions. Et maintenant, ce sentiment de honte permanent lié à cette faute grave me suivra à jamais. C’est difficile à expliquer ».

L’interview suivante permet d’avoir le retour de Jordan, un membre qui était chez Rockstar depuis plus de 11 ans, aux côtés de Rachel, qui s’est exprimée précédemment. Les deux ex-employés expliquent leur ressenti face à tout cela et la manière dont ça s’est terminé : 

« Je crois qu’on peut l’affirmer sans risque. Nous sommes tous passés par toutes les étapes du deuil. Je crois que ce que j’ai ressenti. Je crois que, dès le début de la réunion, on a ressenti un profond sentiment de perte. Pas uniquement de cette carrière que nous avons bâtie, mais aussi l’idée que nous pensions pouvoir créer un meilleur environnement de travail. Travailler directement avec nos employés, mais aussi avec la direction. Et à chaque occasion, je crois que nous nous efforcions de respecter la politique de l’entreprise, d’agir de manière à ne pas froisser qui que ce soit et qui, selon nous, était en accord avec ses valeurs. Et puis, que cela se produise… Cela soulève de nombreuses questions quant à la convergence de nos valeurs avec les leurs ».

C’est à ce moment-là que Fred, un membre de l’IWGB a pu lire une lettre rédigée par une partie des employés licenciés qui souhaitent rester anonymes.

« L’énergie. L’enthousiasme. Cette étincelle qui rendait cet endroit si spécial est désormais brisée. (…) Et c’est déchirant, car au moment même où nous devrions être plus unis et concentrés que jamais sur le projet (GTA VI), la plupart d’entre nous avons peur, sommes blessés et incertains. Cette situation n’aide personne ».

Extrait de la lettre des employés de Rockstar

Fred a pu, par la suite, répondre aux questions de Chris Bratt et expliquer en détails les missions de l’IWGB. Ce syndicat britannique a été fondé en 2012. C’est un syndicat qui s’organise pour de meilleures conditions de travail. Les membres de l’IWGB sont des travailleurs clés en première ligne de la lutte contre les salaires de pauvreté et le travail précaire. Le syndicat agit par divers moyens comme les grèves, des actions en justice et des pressions publiques afin de lutter pour les droits des travailleurs ainsi que pour des salaires et des conditions de travail décents.

Dans la suite de l’interview, Fred explique les prochaines étapes pour l’IWGB dans cette affaire :

« Le but principal est assez claire. C’est d’obtenir la réintégration des 31 employés britanniques qui ont été virés et des trois employés de Toronto. On sait que notre syndicat sœur au Canada s’occupe de l’affaire. Il s’agit d’une réintégration pour ces travailleurs. Il s’agit d’une compensation intégrale pour la perte de salaire durant cette période. C’est une reconnaissance claire des responsabilités quant à la manière dont ces licenciements ont été gérés : des licenciements manifestement abusifs, sans procédure ni preuves. L’entreprise assume donc pleinement ses responsabilités et s’engage à respecter le droit du travail britannique à l’avenir ».

Fred confirme également qu’ils vont multiplier les opérations de manifestations devant les bureaux de Take Two et de Rockstar. Et qu’ils ne lâcheront rien pour obtenir gain de cause sur cette affaire qui est peut-être l’une des plus honteuses de l’industrie du jeu vidéo britannique au cours des 20 dernières années. Chris Bratt lui demande s’il n’a pas peur que Rockstar s’en tire facilement, simplement en payant. Ce à quoi Fred répond : 

« Je crois que nous sommes engagés dans le combat de notre vie. J’imagine que lorsque je vais me coucher le soir, je me dis toujours qu’ils auront anticipé la réaction de la presse. Ils auront anticipé la mauvaise presse. Ils auront anticipé les retards du jeu qui résulteront du licenciement de 31 employés essentiels. Ils auront anticipé les coûts, ils devront peut-être payer des indemnités au tribunal, et ils ont décidé que cela en valait la peine. Ce qu’ils n’auront jamais anticipé, et que je n’ai jamais vu et que la direction devrait prendre en compte, ce sont les liens qui unissent les gens au travail, leur volonté de se soutenir mutuellement et de se battre, la force qui réside dans un collectif de personnes prêtes à prendre des risques, à faire entendre leur voix et à les soutenir. Et ils n’en tiennent pas compte parce qu’ils ne le comprennent pas. Ils ne l’ont jamais vu. Nous ne l’avons jamais vu dans l’industrie du jeu vidéo. Ils ne l’ont jamais vu dans leurs salles de réunion et ils sont sur le point de découvrir ce que cela signifie. Je pense que c’est quelque chose qu’ils n’en tiennent pas compte parce qu’ils ne le peuvent pas ».

Fred conclut en disant qu’il voit que les choses sont en train de monter, autant pour les employés de Rockstar qui travaillent encore là bas, mais aussi auprès de la communauté des joueurs, pas que les fans de GTA 6 qui soutiennent eux aussi et de plus en plus le mouvement. 

L’IWGB dépose plainte contre Rockstar Games

IWGB

Suite à la non réponse de Rockstar Games et Take Two, l’IWGB a déposé plainte contre la firme étoilée au nom de tous les employés britanniques concernés. Le syndicat a également confirmé avoir sollicité des réunions avec Rockstar ces dernières semaines. Des demandes, pour le moment, sans réponses.

« Nos membres affirment que le comportement de Rockstar constitue une persécution et une mise à l’écart des syndicats »

Déclaration de l’IWGB

L’IWGB continue d’affirmer que le licenciement des employés est une action antisyndicaliste : «ces licenciements constituent une victimisation et un licenciement collectif liés à une activité syndicale». Cela n’a donc aucun rapport avec la divulgation d’informations confidentielles, motif prétexté par Rockstar pour virer ses employés. 

Au cours d’une interview accordée à Eurogamer, le syndicat se dit confiant et être dans son droit pour «mettra en place une défense juridique complète avec son équipe d’experts composée de juristes, d’avocats et de chargés de dossiers».

Les employés actuels adressent une lettre ouverte à Rockstar

Le 13 novembre, l’IWGB annonce sur son site officiel que 220 employés de Rockstar North ont signé une lettre ouverte s’adressant directement à la direction. Dans cette lettre, les employé souhaitent sensibiliser le grand public et demandent de réintégrer tous les employés qui ont perdu leur emploi au début du mois. Dans cette déclaration de l’IWGB, nous pouvons lire un témoignage de Peter, un ancien employé qui a été licencié :

« C’est réconfortant de voir autant de nos collègues nous soutenir et demander des comptes à la direction. Alors que Rockstar cherche à nous intimider, mes courageux anciens collègues se présentent directement à la porte de notre patron et exigent d’être entendus, sans céder. Il est clair pour tous ceux qui suivent cette affaire de près qu’il s’agit d’un acte flagrant et assumé de répression syndicale. Rockstar emploie de nombreux développeurs de jeux talentueux, tous indispensables à la création des jeux que nous publions ».

De nouvelles manifestations à venir

Nouvelles Manifs IWGB

Comme promis, l’IWGB ne lâche pas son combat et organise de nouvelles manifestations devant les différents bureaux de Rockstar et Take Two. Des manifestations sont prévues devant les bureaux de Take Two, à Londres et à Paris, le 14 novembre. Tandis que de nouvelles protestations sont prévues devant les bureaux de Rockstar North, à Edinbourgh le 18 novembre. 

Le parlement britannique dénonce les actes de Rockstar

Le jeudi 13 novembre toujours, l’affaire prend encore un peu plus d’ampleur grâce à la députée d’Édimbourg Ouest, Christine Jardine, qui a dénoncé les agissements de Rockstar. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux et relayées de nombreuses fois, la députée s’en prend violemment à la firme étoilée.

Dans cette vidéo, Christine Jardine confirme que plusieurs de ses électeurs, touchés par la situation, l’ont contactée. La députée craint que Rockstar n’ait mené une opération anti-syndicale, accusation portée par d’anciens employés. Elle affirme avoir adressée une lettre à Rockstar, qui reste, pour le moment, sans réponse. Christine Jardine termine en annonçant qu’elle avait demandée une rencontre avec les ministres afin de prendre des mesures supplémentaires pour soutenir la trentaine d’employés concernés.

Le député et chef de la Chambre des communes, Alan Campbell, réagit aux propos de Christine Jardine en reconnaissant l’importance de l’industrie du jeu vidéo pour le Royaume-Uni, ainsi que celle des droits au travail. Il a ensuite confirmé qu’il allait en discuter avec les ministres concernés afin qu’ils prennent des mesures pour la résoudre.


La situation semble atteindre le point de non-retour. Le syndicat de l’IWGB ne relâchera pas ses efforts. Et, désormais, c’est le gouvernement britannique qui pourrait rejoindre prochainement la lutte. On espère, pour le bien de tous et pour l’image de Rockstar, que la direction entendra raison et qu’elle acceptera, enfin, d’entamer des discussions. 

[SOURCE | SOURCE | SOURCE | SOURCE | SOURCE]

Pour ne rien manquer de l’actualité de Rockstar Games, rejoignez Rockstar Mag’ sur YouTubeX (Twitter)ThreadsInstagramFacebookDiscord et Bluesky.

Bonne soirée et bonne fin de semaine à toutes et tous sur Rockstar Mag’.