Edito : L’addiction aux jeux vidéo reconnue, une méconnaissance du sujet de la part de l’OMS ?
Vous avez sûrement vu l’information, l’Organisation Mondiale de la Santé a décidé de reconnaître officiellement l’addiction aux jeux vidéo et la classant comme étant une maladie mentale. Une décision qui ne fait pas l’unanimité et qui de plus est reprise par les médias avec une méconnaissance habituelle du sujet.
Et nous voici à nouveau réunis pour un nouvel édito. Ce second exercice a pour but, pour rappel, de réagir à des faits de l’actualité vidéoludique ou ayant des liens avec ce dernier, avec forcément un avis orienté. De ce fait, toute la pensée et les mots employés dans ce dernier n’engage que votre serviteur écrivant ces lignes. Si vous souhaitez découvrir notre premier édito, vous pouvez le retrouver ici.
L’addiction aux jeux vidéo est-elle une maladie mentale ? Officiellement oui depuis le 18 Juin dernier, acté par l’Organisation Mondiale de la Santé, aussi appelé OMS (et nous utiliserons par la suite son acronyme). Cette dernière a en effet ajouté à la nouvelle édition de la Classification Internationale statistique des maladies et des problèmes liés aux maladies (appelée ICD) cette addiction. Pour que cette dernière soit valable, il faut que le joueur possède les « symptômes » suivants sur une période consécutive de 12 mois :
- Une perte de contrôle de sa vie
- Une priorisation accentuée sur ses activités vidéoludiques
- La poursuite de son activité vidéoludique malgré les conséquences négatives sur la vie du joueur
En outre, des « symptômes » relativement larges auxquels vous pourriez attacher tout autre terme que le jeu vidéo : la lecture, le sport, le poney (oui oui !). Mais ces derniers sont-ils valables d’un point de vue scientifique ?
Car le plus surprenant dans cette histoire vient du fait que l’OMS ait pris cette décision de reconnaître le fait que jouer aux jeux vidéo rend accro et de le reconnaître également comme une maladie mentale sans consensus de la communauté scientifique, bien au contraire ! De nombreuses études ont prouvé qu’aucun argument, en dépit des « accusations » de personnes ayant en général des pensées plus conservatrices qu’évolutives, ne pouvait indiquer qu’il y avait une addiction maladive liée au fait de jouer aux jeux vidéo, comme le présente « The American Psychiatric Association » sur une expérience réalisé en Novembre 2016 sur 18 932 sujets concernant les jeux vidéo en ligne (et précisons bien les jeux « en ligne » comme étant une catégorie des jeux vidéo dans sa globalité). Résultat, rien ne permet de dire distinctement que le jeu vidéo peut rendre des personnes accros.
Cependant, oui il existe bel et bien des cas où des personnes passeront énormément de temps sur les jeux vidéo. Mais pouvons-nous pour autant l’assimiler au même niveau qu’une dépendance à par exemple la cocaïne ou la méthamphétamine (de préférence la Blue Sky de Heisenberg, seuls les meilleurs comprendront la référence 😉) ?
A la différence de ce dernier pour rester dans cet exemple, le jeu vidéo ne va pas agir sur la santé physique ou mentale d’une personne. De ce fait, arrêter de jouer ne va pas vous provoquer une instabilité mentale, au pire un caprice de sale gosse pourri gâté si vous êtes un petit enfant mal éduqué, au même titre que le refus par vos parents de vous acheter une boîte de bonbons (non mais je vous jure, au piquet et tout de suite !).
Dans ce cas, nous parlons plutôt d’une « pratique excessive » du jeu vidéo, terme utilisé par l’Académie des Sciences en France qui ne considère pas que « l’addiction » peut être assimilé au monde vidéoludique. Une pratique excessive qui est souvent liée non pas à une dépendance mais à une situation personnelle ou professionnelle. Oui, je joue plus quand je suis sans emploi que lorsque je travaille, non pas par addiction (et vous allez me dire : « oui mais celui qui est accro il dit toujours qu’il est pas accro, donc tu es accro, on va t’enfermer ! »), mais parce que forcément j’ai du temps libre, et je dois m’occuper : en jouant, en écrivant, en bouquinant, en allant faire un tour de vélo ou en prenant l’air pur sur les hauteurs des Volcans d’Auvergne (non, ce n’est pas un placement publicitaire, promis ! :P).
Car le jeu vidéo est avant tout un loisir, plus ou moins important suivant les personnes, au même titre que la lecture, le cinéma, le sport etc, et la pratique excessive est valable également pour ces autres exemples. En sont-ils directement la cause ? Non.
Par contre, il est très surprenant de voir que l’OMS se soit focalisée sur les jeux vidéo et n’ait toujours pas statué sur de possibles addictions liées aux smartphones ou aux écrans en général (une addiction des 65 ans et + aux jeux télévisés par exemple !) ou à Internet, des sujets concernant bien plus de personnes à travers le monde avec déjà des études scientifiques penchées sur ces cas-là.
Abordons un dernier point : avec cette reconnaissance d’une « addiction » aux jeux vidéo et de plus est comme une « maladie mentale », les médias ont bien entendu relayé l’information. Et précisons : les médias généralistes ont relayé l’information, en y ajoutant cette diabolisation qui colle à la peau du monde vidéoludique depuis ses débuts, d’amalgames auxquels nous sommes habitués nous-autres joueurs, mais qui marchent autant auprès des populations ne connaissant pas le sujet, notamment les plus âgés n’ayant pas grandi avec le phénomène du jeu vidéo. Et penchons-nous donc sur le test proposé sur le site de BFM TV intitulé : « Etes-vous dépendant aux jeux vidéo ? ».
On vous voit venir de très loin : oui mais tu as vu la vidéo de Julien Chièze c’est pour ça que tu reprends cela ! Et oui, exactement. Nous avons en sa personne quelqu’un connaissant très bien le sujet vidéoludique qui a traité de cette information avec ses arguments, sa subjectivité, au même titre que notre édito ici qui est subjectif et n’engage encore une fois que votre serviteur qui écrit ses lignes et n’est pas représentatif de la pensée de l’ensemble du Staff (pour en avoir parlé vite fait, on est quand même tous d’accord en fait !). Nous n’allons pas reprendre point par point les questions de ce test et, si jamais vous ne l’auriez pas vue (vraiment ?), on vous encourage à aller voir la vidéo de Julien Chièze ici (et non, il n’y a pas de placement, pas plus que les Volcans d’Auvergne, et je pense pas qu’il ait besoin de nous !) qui explique très bien la chose. Nous allons cependant piocher quelques questions pour se rendre compte du ridicule de la chose. A préciser toutefois que face au tollé de ce test, BFM TV a par la suite modifié son test pour adoucir les réponses. Mais le mal étant fait, regardons trois des questions originelles :
Question n°1 : « Lorsque je ne joue pas aux jeux vidéo, je continue à y penser : je me remémore mes anciennes parties et je planifie la prochaine ». Bien….oui ! Je vais raconter à mon meilleur ami ou au boulot comme on a vaincu avec 6 autres joueurs inconnus l’Affamé sur les mers de Sea of Thieves, comment j’ai galéré à la fin d’Ori mais que c’était tellement magnifique, comment j’ai fini avec beauté un Lynel d’argent dans Breath of the Wild etc…mais je le raconte non pas en tant qu’addict, mais…tout simplement en tant que passionné du monde vidéoludique. Idem pour la planification, en ce moment j’ai pour le coup rattaqué GTA San Andreas parce que je suis passionné par les jeux Rockstar, sinon je n’écrirais pas ces lignes en ce moment et depuis des années. Et donc je l’ai programmé ! Mais tout comme j’ai programmé d’aller au cinéma à la sortie de certains films ou comme mon meilleur ami me parle de mangas, d’animés Japonais et de jeux vidéo également. D’où dès la première question un amalgame qui est fait alors attention : ne pas assimiler addiction et passion !
Prenons la question n°6 : « Si je perds une partie, ou que je n’atteins pas les résultats escomptés, j’ai besoin de continuer à jouer jusqu’à atteindre mon but ». Ben…oui aussi. Je pars du principe qu’en ayant acheté un jeu, ça me ferait royalement…on va dire : ça m’enquiquinerait quand même vachement d’arrêter de jouer à la première difficulté. Allez je vais reprendre l’exemple d’Ori and the Blind Forest que j’ai cité ci-dessus, je suis mort 404 fois (oui, il y a un compteur de morts dans le jeu !), et cela à ma dernière sauvegarde, avant la phase finale du jeu où j’ai fait du die and retry je ne sais combien de fois ! Si je dois prendre un autre exemple, je dirais ReCore où j’ai eu des passages vraiment très dur, et je n’imagine même pas les joueurs des Dark Souls, Bloodborne ou pire de World of Warcraft (mon meilleur ami a passé 3 mois avec sa guilde jusqu’à réussir à passer un boss cette semaine ; Oui vous avez raison, on devrait les interner les joueurs de WoW 😛 ) ! Mais encore une fois, vouloir dépasser une difficulté, un obstacle, c’est quelque chose de valable un peu partout ! Par exemple, je ne vais pas démissionner à la première difficulté dans mon travail ou même pour lier une amitié avec quelqu’un : réfléchir, s’accrocher, voir le problème sous un autre angle pour finalement surpasser cette difficulté pour qu’elle n’en soit plus une. En soi c’est plutôt une belle valeur, et à ce titre le jeu vidéo peut aider à améliorer cette compétence. En quoi cette valeur, pour le jeu vidéo, serait-elle néfaste ?
Et une dernière question. Après une longue hésitation entre l’avant dernière et la dernière, nous avons choisi : « A cause des jeux vidéo, j’ai négligé mes obligations professionnelles ou scolaires, ou j’ai sauté un repas, ou je me suis couché tard, ou j’ai passé moins de temps avec mes amis et ma famille ». Ça c’est de la question ! Découpons là en deux morceaux, à commencer par le « à cause des jeux vidéo » qui démontrent toute l’objectivité de ce test, et puis tous ces « ou »….autant rajouter « ou j’ai couru nu sur 2 kilomètres, ou j’ai mangé un piranha, ou j’ai bu un verre avec Voldemort ». On ne peut pas mettre dans la même catégorie le fait de s’être couché tard et d’avoir négligé son boulot, c’est absurde ! Oui, je me suis déjà couché tard ou j’ai sauté un repas (en même temps, si vous faîtes saucisse/truffade le midi, ce n’est pas sauter le repas du soir pour jouer qui va bouleverser votre équilibre alimentaire !), mais non je n’ai jamais négligé mon travail ou mes études à l’époque. Et tout comme j’ai déjà sauté un repas lorsque je travaille ou lors de mes études. Tout cela n’est pas une question du jeu vidéo, mais une question de : je suis engagé dans une action/tâche, je n’ai pas faim/je ne suis pas encore fatigué, par conséquent je vais tâcher de la terminer.
Concluons donc : en reconnaissant une « addiction » aux jeux vidéo en tant que maladie mentale, l’OMS prend une décision ne s’appuyant sur aucun fondement puisque non établi par la communauté scientifique. De ce fait, elle diabolise à nouveau un sujet que s’empresse de diffuser ensuite la presse généraliste en y associant clichés et amalgames, pêchant tous deux d’une très grande méconnaissance du monde vidéoludique pour véhiculer à nouveau un message d’inquiétude et de méfiance auprès des personnes ne connaissant pas le sujet.
Cet édito est à présent terminé. N’hésitez pas à venir commenter cet article ou via les réseaux sociaux pour débattre, de façon constructive, sur le sujet, et échanger nos points de vue. A bientôt pour un prochain édito, dont le sujet est déjà bien en tête et que vous aurez l’occasion de lire cet été !
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