Édito : l’accès aux œuvres culturelles, une responsabilité des parents

Dans ce nouvel édito, revenons sur l’actualité et parlons du phénomène de la série Squid Game. Celui-ci nous conduit à évoquer le rôle des parents sur le contrôle et l’accès aux œuvres culturelles pour des publics plus adultes, en se permettant des parallèles avec les jeux Rockstar.

Il ne vous aura pas échappé que la série Netflix Squid Game, sortie récemment, fait un carton. Battant des records de visionnages jusqu’à détrôner certaines séries fortes de la plateforme de streaming, la série coréenne aura largement trouvé son public et surpassé les attentes de Netflix.

Un public comme vous et moi, mais également composé d’ados (voire de plus jeunes), qui ont depuis fait de la série un véritable phénomène de société. Les discussions et les références pleuvent dans les écoles et sur les réseaux sociaux. Dans un cas comme dans l’autre, certains veulent reproduire ce qui est vu dans la série, si bien que des jeux populaires (y compris GTA Online) se voient « détournés » avec des mises en scène des éléments de la série, etc.

Pourtant, la série Squid Game repose sur un contexte assez mûr, dans un style relativement macabre. Elle est de ce fait déconseillée au moins de 16 ans en France (et au moins de 17 ans aux États-Unis).

logo Squid Game

Un matin, mon collègue de travail arrive dans notre bureau. Il me raconte qu’il était question de Squid Game à la radio ; des parents à l’antenne ne comprenaient pas pourquoi certains n’interdisaient pas à leurs enfants de regarder cette série.

A cela, il m’a demandé si je l’avais regardée et « qu’est-ce qu’ils font, les gosses, dans cette série ». J’ai pu lui répondre que si je n’avais pas encore regardé la série, je savais déjà une chose : Squid Game ne met en scène des enfants, mais des personnes adultes. Ensuite, j’ai pu lire les différents articles de la presse généraliste où cette même question, allant jusqu’aux membres du gouvernement Français, était mise en avant.

Cette petite discussion, et les réactions en général, m’ont non seulement lancé pour regarder la série (9 épisodes, pas bien long !), mais également donné envie d’écrire cet édito. De fait, le questionnement derrière est très intéressant. C’est donc ce dont nous allons discuter au travers de plusieurs points.

Comme d’habitude, permettez-moi de rappeler le but d’un édito : réagir à un événement, un fait, d’une façon purement subjective, celle de votre serviteur. Les propos de cet édito n’engagent donc que moi, Nicolas, et d’aucune façon les autres personnes composant le staff de Rockstar Mag’. Les mots reflètent ma pensée et sont, bien entendu, pleinement assumés. Si le sujet ici est bien plus généraliste que les précédents (et vous pouvez retrouver mon dernier édito parlant de la communication et des attentes autour de GTA V E&E), il nous permettra néanmoins de faire quelques liens avec les jeux Rockstar Games et, particulièrement, la saga Grand Theft Auto.

I. Séries, films, jeux vidéo : le respect de la vision d’auteur

Avant toute chose, il est à mon sens important d’évoquer un point important : la vision d’auteur. Dans tous les médias culturels, des séries aux films et bien entendu les jeux vidéo, des histoires, des scénarios (plus ou moins poignants suivant les styles) nous parviennent. Nous sont racontés.

Si nous y voyons la finalité, tout cela est l’œuvre de nombreuses équipes. Celles-ci, de même que le projet, ont été menés et orchestrés par une personne, un réalisateur ou une réalisatrice, auteur ou autrice qui, à travers son œuvre culturelle, donne sa vision sur le sujet traité, une vision qui lui est propre, une vision d’auteur.

Dans un monde où les goûts et les couleurs sont (heureusement) différents, cette vision peut, à la sortie de l’œuvre en question, réunir ou diviser. Cette vision peut s’engager, dénoncer (directement ou non) les faits ou les maux de la société, caricaturer, se moquer, ou… rien de cela. Bien entendu, un thème peut plaire à l’un mais pas à l’autre, cela est normal. En revanche, toute personne se doit de respecter, qu’il soit en accord ou pas, le point de vue de l’auteur. De même pour sa création. Un point de vue, un ou plusieurs messages qui, parfois, pour être compris, requièrent une certaine une maturité intellectuelle.

Qu’est-ce que Grand Theft Auto, si ce n’est une caricature poussée à l’extrême de l’ « American Way of Life », qui appuie sur tous les vices de la culture Américaine ? Que peuvent nous apprendre (entre autres) à la fois Red Dead Redemption et Red Dead Redemption II ? Que nous sommes à jamais responsables de nos actes. Qu’on ne peut échapper aux méfaits de son passé. Mais aussi qu’un plan n’est jamais infaillible et qu’on ne peut combattre la gravité. Qu’est-ce que dénonce Squid Game ? La cupidité humaine, tout simplement.

extrait Squid Game

Bien entendu, la violence est présente, omniprésente. Mais elle n’est jamais là par hasard. Elle est ici pour servir un contexte, dénoncer des sujets de société, retranscrire une époque. Elle est présente car notre monde est violent. Or, ces œuvres représentent ce monde.

Pendant des années, nous allons prendre facilement l’exemple de la saga GTA. De nombreuses personnes (Jack Thompson est l’exemple le plus facile, mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres !) ont souhaité interdire ces œuvres, en les pointant du doigt comme responsables de tous les maux de la société. Mais vouloir interdire une œuvre car elle ne répond pas à nos mœurs, c’est outrepasser le respect de la vision d’auteur. Ceci amène dès lors vers la censure. Et la censure n’est jamais une bonne chose.

C’est ce que nombre d’œuvres vidéoludiques, et la plupart des œuvres de Rockstar Games en tête notamment dans la première décennie des années 2000, ont dû « subir ». Cela s’est traduit par un censures dans certains pays allant jusqu’à dénaturer des jeux. On se rappellera de retraits imposésde contenus qui empêchent l’auteur d’exprimer pleinement sa vision.

Squid Game, étant une série violente, aurait pu attirer les mêmes foudres. C’est d’ailleurs en raison de cela que le projet n’a pas réussi à trouver de producteurs pendant des années, jusqu’à Netflix. Pourtant, avec le respect dû à la vision d’auteur, le questionnement posé aujourd’hui à propos de la série est différent.

II. Une évolution de la question qui ne pointe plus vers l’œuvre elle-même

Nous le disions plus haut : par le passé, nombreuses sont les personnes ou personnalités qui ont souhaité interdire ou censurer du contenu audiovisuel ou vidéoludique, car ces dernières ne rentraient pas dans les bonnes mœurs. Mais, aujourd’hui, la question a évolué sur le sujet. Ainsi, et pour reprendre notre cas sur la série Squid Game, on ne pointe plus l’œuvre elle-même, qui est ce qu’elle est (et qui représente une vision d’auteur, on l’a assez répété au-dessus !). Désormais, les regars se portent sur la responsabilité des parents à laisser leurs enfants regarder ce contenu.

Mettre le curseur sur une responsabilité parentale concernant l’accès au contenu des enfants est une véritable prise de conscience. Elle tranche radicalement avec tout ce que nous avons pu entendre, et en particulier concernant les jeux de la firme étoilée, Grand Theft Auto en tête, par le passé.

Ainsi, nous ne sommes plus dans une volonté de censurer ou interdire pour convenir au plus grand nombre. Toute œuvre culturelle a le droit d’exister, de plaire ou non à son public, de ne pas se conformer au tout « politiquement correct » qui n’est rien d’autre, au mieux, qu’une incroyable hypocrisie, au pire, une atteinte dangereuse à la liberté d’expression.

Mais bien entendu, et je reprends ce que je disais plus haut : tout contenu ne peut pas être compris par tout un public, notamment les plus jeunes. C’est pour cela que, depuis des années, des éléments sont en place pour conseiller les parents.

III. Des organismes de classification indépendants pour évaluer toute œuvre audiovisuelle

Tout film, toute série, tout jeu vidéo, avant d’être publié et être accessible au public, passe par une étape obligatoire, et ce dans l’ensemble des pays : il doit être évalué pour recevoir une classification. Dans le monde du jeu vidéo, il existe même des organismes dédiés.

Nous en avons plus que parlé sur Rockstar Mag’. Ces organismes révèlent parfois des informations sur un jeu à venir. Par exemple, ils dévoilent un nom définitif, une potentielle date de sortie, les supports de jeux… ou même l’existence du jeu en lui-même. D’autres fois, l’actualité vient d’un refus de la classification d’un jeu (on aura de nombreuses fois évoqué l’Australie qui avait, à plusieurs reprises, refusé la classification de Red Dead Redemption II sur PC).

Ces organismes, indépendants, sont les garants envers le public qu’un contenu convient à partir d’une certaine tranche d’âge. Il indique également ce que peut contenir un titre, à savoir de la violence, du sexe, un langage grossier, etc. On peut reprendre simplement la description officielle du PEGI, qui classe les œuvres vidéoludiques à travers 38 pays en Europe dont la France :

PEGI permet aux parents de prendre des décisions éclairées lors de l’achat de jeux vidéo. […] La classification par âge confirme que le jeu est approprié à l’âge du joueur. La classification PEGI se base sur le caractère adapté d’un jeu à une classe d’âge, et non sur le niveau de difficulté.

Ces classifications sont ensuite mises en avant pour aiguiller les consommateurs. Elles apparaissent ainsi, bien en évidence, sur les jaquettes des jeux. Elles sont aussi présentes sur la fiche produit des magasins en ligne ou même au début des bandes-annonces. On a toutes et tous assez entendu la mention « PEGI 18 » dans les premières secondes des trailers de la firme étoilée pour le savoir.

PEGI

Le PEGI en Europe, l’ESRB en Amérique du Nord et au Mexique, où la classification diffère légèrement. Six classes au lieu de 5 pour le PEGI et une dénomination différente, avec une prise en compte de critères différents, calqués sur les mœurs du pays. Ainsi, un jeu PEGI 18 en Europe pourra être classé M, pour Mature, aux USA (c’est-à-dire conseillé à partir de 17 ans) ou bien « Adult Only » (soit 18 ans et plus). Les studios fuient d’ailleurs cette dernière classification. Le fait est que la plupart des grandes enseignes de distribution américaines refusent de mettre ces productions-là sur leurs étalages. Chaque pays, selon sa culture et sa tolérance sur certains sujets (notamment le sexe), évalue et classe chaque produit vidéoludique.

Revenons-en alors à Squid Game. Concernant les œuvres audiovisuelles, le CSA est l’organisme français qui évolue les contenus culturels à la télévision. Pour autant, il n’a pas autorité sur les plateformes de SVOD telles Netflix, Prime Video ou Disney+ (pour le moment du moins, car le sujet pourrait évoluer en 2022 avec l’Arcom). Ces plateformes, qui ont donc la main, appliquent en général les mêmes classifications que celles apposées dans leur pays originel (en l’occurrence les USA, dont l’organisme de classification est principalement la MPAA, la Motion Picture Association of America). Des films ou séries Netflix ont alors parfois des classifications plus « fortes » que celles qu’auraient pu apposer un organisme local.

Que ce soit par des organismes locaux ou les plateformes elles-mêmes : toutes ces classifications sont présentes pour l’ensemble des contenus audiovisuels ou vidéoludiques. Cela sert à éclairer, conseiller, accompagner les spectateurs, en particulier les parents. À eux alors de se responsabiliser. Il leur incombe de mettre en place les outils mis à disposition pour réguler l’accès à certains contenus. Ils peuvent ensuite dialoguer avec leurs enfants.

IV. Une responsabilité des parents sur l’accès aux contenus culturels

Grâce à la classification des contenus culturels, les parents ont les informations en main. Ils sont ainsi en mesure de savoir si un film, une série ou un jeu vidéo peut être adapté à leurs enfants. Ils ont également les outils en main pour réguler l’accès à ces contenus.

Prenons un exemple : je joue principalement sur Xbox. Si je veux réguler un accès à un enfant, il existe une application mobile pour les parents (Xbox Family Settings). Elle sert à paramétrer le catalogue du Microsoft Store. De cette façon, il est possible de n’afficher que les jeux en accord avec l’âge de l’enfant (grâce à la classification du PEGI), moduler le temps d’écran, autoriser ou non le jeu en ligne, etc. Ainsi, je ne vais pas simplement tout autoriser ou tout interdire, mais adapter, réguler.

C’était ici un exemple pour une marque, mais nous avons exactement la même chose chez concurrents. C’est le cas par exemple sur Nintendo Switch (avec l’appli Contrôle Parental, dont une vidéo de présentation bien fichue était sortie à l’époque !) et sur PlayStation (sur console ou via navigateur avec le menu Gestion de la famille).

Controle parental Switch

Pour les plateformes de streaming, c’est exactement la même chose (comme partout, en réalité). Prenons Netflix : vous pouvez configurer un compte qui pourra accéder uniquemet à certaines catégories de programmes. Vous pouvez également mettre en place un compte « Netflix Jeunesse ». Là aussi, les parents ont le contrôle pour modérer l’accès à des contenus qu’ils jugent appropriés. Ils s’appuient pour ce faire sur la classification du contenu.

Nous sommes en 2021. Il est loin le temps où mettre en place des contrôles parentaux relevaient du parcours du combattant. Nous ne sommes plus dans ce milieu où les enfants étaient bien plus habiles que les parents. Désormais, des solutions simples existent pour réguler de nombreux paramètres d’accès.

Il est bien entendu plus facile de céder aux caprices d’un enfant et lui donner l’accès à une série, à un jeu vidéo (qui coûte de l’argent, les parents doivent donc mettre « la main à la poche », effectuer une action) pour le laisser devant et ainsi « avoir la paix ». Mais ce n’est pas responsable. Ce qui l’est, c’est de réguler l’accès à ce qui lui convient et de lui expliquer pourquoi. Interdire tout, tout simplement, n’est pas la bonne solution. Il faut entamer un dialogue pour exposer le pourquoi du comment.

Si vous me permettez : les enfants ne sont pas tous complètement cons ; il sont aussi capables de comprendre pourquoi on ne leur autorise pas quelque chose. C’est un échange qu’il est nécessaire de construire. Il permettra ensuite de lever certaines barrières si vous considérez qu’elles peuvent l’être. C’est tout le principe d’être responsable.

V. Conclusion

Tout contenu audiovisuel ou vidéoludique n’est pas adapté à toutes et tous. Mais faut-il pour autant mettre en cause le contenu en lui-même ? Sûrement pas. Aujourd’hui, le questionnement a heureusement évolué. L’attention se porte vers la responsabilité des parents de laisser simplement l’accès à ces contenus à leurs enfants. Ils ont tous les moyens et outils à leur disposition pour les conseiller et leur permettre de réguler ces accès. À eux ensuite de prendre cette responsabilité en main.

Cet édito s’achève ici. Merci à toutes et tous de l’avoir lu. Nous nous retrouvons bien sûr pour de prochains dossiers et/ou éditos avec une fin d’année qui s’annonce intéressante… avec un brin de nostalgie, sans aucun doute !

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